L’élection des gouverneurs intervenue mercredi 10 avril dernier dans les provinces de la République démocratique du Congo a consacré la victoire du Front Commun pour le Congo sur 16 des 18 provinces. Ce scrutin qui va permettre d’accélérer la mise en place des institutions provinciales issues des élections démocratiques, est aussi l’occasion pour ceux qui ont été élus de changer le paradigme de gestion pour faire entrer leurs provinces dans l’ère du développement. Au-delà de la victoire, les gagnants doivent déjà faire preuve de triomphe modeste et intégrer le fait que, avoir la plus haute charge dans l’exécutif provincial, n’ouvre nullement le droit à des privilèges, mais représente une responsabilité énorme au regard de la décrépitude dans laquelle se trouve la quasi-totalité des provinces du pays.
Les provinces de la république sont dans la précarité et l’absence de l’autorité de l’Etat dans l’arrière-pays pose des défis aux nouveaux arrivants. Les gouverneurs élus ont le devoir du relèvement de la nation par un développement qui partira de leurs entités. En dehors de quelques exceptions, si la plupart d’entre ces élus ne sont pas nés de la dernière pluie et maitrisent tout du fonctionnement de l’Etat, ils doivent cependant s’habituer à une nouvelle donne qui petit à petit s’enracine dans les mœurs : désormais les assemblées provinciales se montreront regardantes quant à la gestion des provinces. Ces organes délibérants eux-mêmes seront tenus à l’œil par une population ragaillardie par les principes de « l’Etat de droit », lesquels principes viennent d’en haut et s’infiltre déjà dans la « base ». Cette base de plus en plus prompte à descendre dans la rue pour dénoncer un fait de corruption ou une mauvaise gestion. Décidemment, les temps ont changé, et tous devront le savoir.
Si hier encore les gouverneurs devaient gérer pour consolider un régime, aujourd’hui, ils se doivent d’agir en mettant avant tout l’intérêt de l’Etat, le droit et le développement au premier plan. Gouverner pour les différents gouverneurs voudra dire, élaborer d’abord une politique qui contribuera à l’effort national, mais non pas s’asseoir sur des droits acquis. Actuellement, les attentes sont énormes et l’état de grâce pour les nouveaux élus ne saura durer. Pour les années ou même les mois à venir, une alchimie devra s’imposer entre les exécutifs provinciaux, les assemblées provinciales et les populations. Ces populations qui devront être sensibilisées par les gouverneurs, afin qu’elles participent au développement. Les populations des provinces doivent être appelées à contribuer sur des questions économiques essentielles. Sans attendre, les nouveaux dirigeants devront faire l’état des lieux de leurs provinces et y décréter l’état d’urgence économique.
Il est vrai que les gouverneurs nouvellement élus doivent leur élection à leurs plateformes politiques respectives, mais ces gouverneurs savent aussi que la gestion des provinces dépasse la logique partisane inhérente aux organisations politiques. Ils s’inscrivent donc dans la logique du président de la république même si celui-ci ne vient pas du même bord politique qu’eux. Car, il y a des observateurs qui l’oublient parfois, le président de la république a le droit de révoquer un gouverneur élu. Les nouveaux élus sont entrés dans la gestion des affaires publiques par la voie politique, ils doivent gérer leurs entités par la voie d’Etat. Au-delà des couleurs politiques de chacun, il y a la république, elle qui ne devrait plus avoir à souffrir des combats politiciens.
Gouverner pour eux voudra dire aussi changer cette mentalité longtemps ancrée chez certains politiciens, cette mentalité qui veut qu’un gouverneur soit une caisse pour des « partenaires » paisiblement installés à Kinshasa. Exit les vieilles méthodes parce que gouverner voudra dire également devenir une force de proposition sur la politique à mener et en ce qui concerne la législation à édicter pour le pays. Parce que loin de fonctionner en vase clos, les provinces pourront définir des points de convergence pour être en harmonie avec l’ensemble de la république. Cela impose une certaine lucidité et une lecture avisée de questions d’Etat. Si les gouverneurs devront répondre devant les assemblées provinciales et devant le peuple, il est également prévu, selon la constitution, une conférence des gouverneurs où les gestionnaires de chaque province se retrouvent devant le président de la république.
Les nouveaux élus sont devant le quitte ou double : soit ils seront les acteurs d’un Congo qui gagne. Mais en cas d’échec, ils seront du mauvais côté de l’histoire.
Patrick Ilunga

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com