Conformément au chronogramme arrêté par les deux parties (les comités sortant et entrant), le nouveau patron du comité exécutif du Mécanisme National de Suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba (MNS), Claude Ibalanky Ekolomba a officiellement pris ses quartiers au siège de l’organisation samedi 30 mars dernier à Kinshasa. Lors de sa toute première sortie médiatique à l’issue de la cérémonie de remise et reprise avec son prédécesseur, « CIE » a fixé l’opinion sur le fil conducteur de son mandat à la tête du MNS. Une philosophie, qui, dit-il, correspond exactement aux instructions du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Claude Ibalanky, au-delà de l’investiture !
Quelles sont ses atouts pour révolutionner cette structure au cœur de la politique étrangère congolaise, particulièrement dans la sous-région de Grands-Lacs africains, là où des politiques et stratèges rompus se sont cassés les dents face à la complexité des relations entre une République Démocratique du Congo (RDC) considérée comme le « maillon faible » de la sous-région et ses « puissants voisins » ? Comment compte-t-il s’y prendre, lui qui n’est pas le pur produit de la sphère politique conventionnelle ? Autant d’interrogations soulevées par bon nombre d’observateurs qui se montrent plutôt prudents quant aux réelles capacités des autorités congolaises à relever les défis de la sécurité et du développement intégral de l’Est du pays.
Nommée par ordonnance présidentielle en mars dernier, la nouvelle équipe dirigeante du Mécanisme National de Suivi de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba s’est engagée dans une véritable course contre la montre.
A peine investi, le nouveau Coordonnateur du Comité Exécutif du MNS a réuni la presse pour décliner les grandes lignes de sa feuille de route à la tête de cette structure du gouvernement créée en 2013 au lendemain de la signature de cet compromis politique et diplomatique qui a mis fin à la rébellion du Mouvement du 23 Mars (M23) et qui devrait être le cadre de référence pour la pacification et le développement de la sous-région de Grands-Lacs africains infestée par des groupes armés.
« Le Président entend faire du MNS le bras séculier du Gouvernement pour gagner le pari de la paix et de la sécurité auxquelles aspirent les populations congolaises de tous les coins et recoins du pays », a-t-il révélé d’emblée avant de préciser « qu’il s’agit pas seulement de s’attaquer à la production des violences armées qui endeuillent souvent la République mais surtout, de participer à la dynamique de développement, le nouveau nom de la paix ».
Troisième coordonnateur du MNS depuis sa création il y a six ans, Claude Ibalanky est conscient de la complexité de la mission qui est la sienne vis-à-vis du cahier de charges ambitieux lui assigné par le Chef de l’Etat qui fait de la pacification de l’Est du pays l’une de ses priorités.
Pour ce faire, l’homme promet « d’engager la réflexion sur les contours de la nouvelle dynamique » du développement de la sous-région des Grands-Lacs conformément aux prescrits de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba.
Le go ayant été donné par le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi en personne lors de ses différentes tournées à travers les pays voisins, le MNS voudrait prendre le relai en projetant de mettre un accent particulier sur la promotion des investissements ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre des projets intégrateurs au niveau régional.
« L’heure est venue d’explorer et d’exploiter les nombreuses opportunités d’intégration régionale existantes au bénéfice de tous les Etats et des peuples de la région », exhorte le nouveau patron du MNS.
Vaincre les divisions intestines dans la sous-région !
L’un des plus grands pays signataire de cet Accord sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands-Lacs, la République Démocratique du Congo (RDC) n’en a pas encore fini avec les démons de la division qui le ronge de l’intérieur.
Sur ce plan, le MNS s’emploie à jouer sa partition dans « la matérialisation de la vision du Chef de l’Etat axée notamment sur la réconciliation nationale ».
Hormis des mesures de décrispation politique prises par le nouveau Chef de l’Etat, par ailleurs saluée par le Coordonnateur du MNS, Claude Ibalanky s’engage à poursuivre la réconciliation nationale à travers la politique de rapatriement des anciens combattants conformément aux décisions de Chefs d’Etat et de Gouvernements des pays signataires de l’Accord-cadre prises lors de la 7ème et 8ème réunion de haut-niveau tenue d’abord à Brazzaville en 2017 et ensuite, à Nairobi en 2018.
« Nous lançons ainsi un appel à tous les ex combattants installés dans les pays voisins d’adhérer à ce processus de rapatriement volontaire et sans condition qui constitue une heureuse opportunité qui leur est offerte pour retrouver leur dignité dans la société », a-t-il lancé.
Claude Ibalanky entend promouvoir la réconciliation nationale et le développement de la confiance mutuelle entre les Etats signataires dudit Accord-cadre pour la stabilité de la région.
Pour ce faire, l’homme voudrait compter sur la participation des citoyens de qui il attend obtenir des « suggestions susceptibles de servir les intérêts nationaux.»
MNS, Claude Ibalanky par où commencer ?
Formaté par le pragmatisme anglo-saxon, le Coordonnateur du MNS n’a pas oublié une seule ligne de son cahier de charges à la tête de l’organisation. Parmi ses priorités, « CIE » s’engage à procéder notamment à la conduite de l’état des lieux de la situation, à l’évaluation du travail du MNS et l’élaboration de ses priorités d’action et du plan de travail pour 2019-2020.
Dans les prochains jours, semaines ou mois, une réflexion, une revue du cadre juridique et institutionnel des élections devront être lancées par le nouveau staff dirigeant du MNS en vue d’envisager des reformes électorales et politiques.
Claude Ibalanky s’est aussi engagé à organiser la conférence internationale sur la paix, la sécurité et la reconstruction de l’Est de la RDC. Sur cette même lancée, une conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernements des pays signataires de l’Accord-cadre est prévue en Octobre prochain.
La RDC, à travers Claude Ibalanky entend des pays de la région notamment, une contribution substantielle dans le renforcement du climat de collaboration et de proximité entre sa structure et les autres parties prenantes ; la promotion de l’intégration régionale avec l’identification et la réalisation des projets à intérêts communs.
Selon le MNS, la paix à l’intérieur des frontières des pays de la sous-région passe par la mise en valeur des politiques basées sur l’interdépendance sécuritaire.
MNS, Claude Ibalanky, l’ultime recours de Fatshi ?
Aux allures plutôt timides, Ben Baruch Claude Ibalanky Ekolomba est un pur produit anglo-saxon. A 49 ans, ce natif de Kinshasa a passé l’essentiel de sa vie en République Sud-africaine, nation arc-en-ciel au sein de laquelle l’homme a collectionné des diplômes universitaires. A son arrivée à Johannesburg, au début des années 90, après la première tentative au sein de la faculté de médecine à l’Université de Kinshasa (UNIKIN), Claude Ibalanky est séduit par la technologie de gestion de la production, le commerce et le marketing appliqué. Un secteur qu’il n’a plus jamais quitté jusqu’à obtenir une maitrise (Ndlr : Master) en la matière.
Ses réussites incontestées dans le domaine privé n’ont pas entamé sa détermination de pouvoir intégrer la sphère politique. Coordonnateur du MNS et Haut-Représentant du Chef de l’Etat au Comité d’appui technique du Mécanisme Régional de Suivi de l’Accord-cadre, Conseiller Spécial du président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), Co-initiateur et président du parti politique Congrès National Congolais (CNC), président de la Commission de financement des élections de l’ANC en Afrique du Sud, Membre du Conseil présidentiel des Investisseurs Etrangers au Sénégal, pour ne citer que ces postes, autant d’expérience accumulée par Claude Ibalanky qui devra donner sa pierre pour la construction de l’édifice Congo. L’homme a la lourde responsabilité de démentir tous les pronostics négatifs sur l’incapacité du nouveau régime à éradiquer l’insécurité et promouvoir le développement dans l’Est du pays, là où l’ancien pouvoir semble avoir échoué.
José-Junior Owawa

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com