« Je ne veux pas discuter avec des pantins. Les pantins ne vont jamais parler de leurs problèmes. Les pantins quand ils sont en face de vous, ils vont répéter le message de leur maître. Alors, tant qu’à faire, je préfère parler avec leur maître. Et vous avez vu, nous avons parlé avec leur maître. Nous sommes arrivés au 15 décembre. Et qu’est-ce qui s’est passé ? il a fui…Dialogue oui, je veux un dialogue, mais dialogue pour qu’on foute la paix définitivement à mon pays, qu’on nous laisse évoluer tranquillement vers notre développement. Je ne veux pas de dialogue pour qu’on se retrouve encore avec des brassages, des mixages qui dans quelques années, vont donner lieu à des guerres ».
Les mots du président de la République Félix Tshisekedi ont le mérite d’être clairs. La RDC a appris de son passé et n’entend plus condamner son armée dans un schéma identifié comme un plan conçu ailleurs pour continuer à faire une OPA sur l’ensemble de l’appareil sécuritaire du pays. La position du président veut donc dire que l’on doit désormais enterrer le processus de Nairobi et celui de Luanda ? C’est une énigme. Car, le chef de l’Etat dit aussi qu’il veut un dialogue. Sous quel format alors peut-on envisager des pourparlers entre les parties prenantes ? Le processus de Luanda est dans une équation à double inconnu : Il est actuellement sans médiateur depuis la démission du désormais ancien médiateur, le président Joao Lourenço, devenu président en exercice de l’Union Africaine ; L’autre inconnu c’est la position du Rwanda. Kigali oblige dorénavant que la RDC parle directement avec les rebelles pour pouvoir parvenir à un accord de paix. Une ligne rouge que Kinshasa se refuse de franchir. C’est à croire que le Rwanda et la RDC ne parviendront pas à la paix sous le format des deux processus. Car lorsqu’ils avancent d’un pas, les deux pays reculent de deux.
Entre octobre et novembre, Kinshasa et Kigali étaient parvenus à s’accorder sur un Plan Harmonisé pour la paix et à lancer un nouveau mécanisme de suivi. C’était à Goma. La capitale du Nord-Kivu incarnait alors la place forte d’une paix de brave. Mais c’était il y a trois mois, car aujourd’hui, la même Goma est devenue le symbole d’une guerre sanglante, ayant emporté 3000 vies. Et actuellement, la fière ville volcanique n’a pas fini à égrener le chapelet de ses malheurs : chaque jour le sang y coule, les pillages se poursuivent, des actes de vandalisme sont enregistrés, des enlèvements d’enfants sont récurrents, des règlements de comptes sont monnaie courante, des violences sexuelles et exécutions sommaires sont devenues presqu’une routine. C’est le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya qui a énuméré ces malheurs auxquels sont soumis les Gomatraciens.
La Kalachnikov impose sa loi. La diplomatie est dans une sorte de yo-yo interminable entre discussions dans les capitales africaines, au parlement Européen ou des discussions au Conseil de sécurité où le Rwanda a perdu « le combat pour la vérité », selon l’expression de la ministre Thérèse Kayikwamba, mais où le Congo n’a pas encore gagné le combat de la paix. Car, malgré ce qu’on peut qualifier de revers diplomatiques de Kigali, Kinshasa lui doit faire avec la poursuite des combats sur plusieurs fronts. Comment trouver une sortie honorable et durable à une guerre dispendieuse et sanglante ? Est-il possible de garder une fenêtre de dialogue pour, ne serait-ce que parler avec les rebelles, de possibilités de leur reddition ? Le président Félix Tshisekedi l’a déjà déclaré, la RDC veut la paix, mais pas une paix quémandée, qui n’offre aucune garantie de stabilité et de durabilité. La guerre se fait sans état d’âme. La possibilité de se parler doit être aussi sans émotions. L’histoire fourmille d’enseignements : les pires guerres finissent souvent autour d’une table. Nairobi et Luanda ont peut-être échoué, il faudra inventer un autre format de dialogue afin de sortir de cette crise.

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com