La Commission Electorale Nationale Indépendante a eu un échange avec les candidats à l’élection présidentielle hier jeudi à son siège. La rencontre qui a eu pour but de faire une évaluation du processus électoral entre cette institution, autorité d’organisation des élections, et les candidats, n’a pas abouti à une convergence des vues entre toutes les parties prenantes. Après plus de quatre heures d’échange, un autre rendez-vous a été convenu en vue d’aplanir les « questions techniques ».

Ils se sont rencontrés dans un cadre de concertation. Une première dans le processus électoral courant. Une photo de famille a été prise à l’issue de la rencontre. Mais l’unité affichée sur la photo ne devrait pas éclipser les divergences exprimées par l’essentiel des candidats à la présidentielle lors de la réunion. Car même si à l’issue de la rencontre, Corneille Nangaa s’est voulu rassurant, disant que ses interlocuteurs du jour ont soulevé des préoccupations « techniques », lesquelles allaient être traitées dans une commission, elle aussi technique pour permettre « d’approfondir ces questions dans le but de concilier les impératifs pour faire en sorte de faire adhérer tout le monde au processus afin que ces 23 décembre, les élections se tiennent », les candidats de l’opposition, ont, quant à eux, réitéré leurs exigences à la sortie de l’échange. Ayant signé une déclaration commune, le groupe de Vital Kamerhe, Martin Fayulu, Freddy Matungulu et Félix Tshisekedi (qui s’est fait représenter), a présenté des préoccupations « majeures » en rapport avec le processus électoral : en gros, ce groupe d’opposants a mis en avant six exigences qui vont du rejet de la machine à voter, au « nettoyage » du fichier électoral, du financement du processus électoral ainsi que « le plan de décaissement », de la transparence du processus, de la logistique et la sécurisation de toutes les opérations électorales, des dispositions prises pour la tenues des élections apaisées dans les zones « insécurisées », du remplacement sans « délai » du délégué de l’UDPS à la CENI. La dernière exigence, qui a toujours été une revendication propre à l’UDPS, a été prise en compte par les quatre leaders de l’opposition. A l’issue de la rencontre, ils ont dit attendre de la CENI la convocation « en toute urgence » un cadre de concertation entre parties prenantes aux élections pour des discussions en profondeurs de toutes ces préoccupations.

Marie-Josée Ifoku :

« La CENI doit comprendre que sa machine à voter n’a aucun soubassement juridique.»

Candidate présidente de la République, Marie-Josée Ifoku reste perplexe malgré les 4 heures de discussions avec les responsables de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). La seule femme encore présente dans la course à la magistrature suprême, Marie-Josée Ifoku estime que la rencontre avec le pouvoir organisateur des élections en RDC ne l’a pas convaincu jusque-là par ces explications à moins de 80 jours avant de la tenue des scrutins du 23 décembre.

« La CENI connaissait nos préoccupations tout comme vous de la presse. Mais malgré cela, j’ai l’impression comme-si cette rencontre n’a rien donné en terme des résultats escomptés », fait-elle remarquer avec force. L’ancienne Vice-gouverneur de la province de la Tshuapa salue tout de même la tenue du « cadre de concertation », entre la CENI et les candidats président de la République, qui est en réalité une première du genre tout en déplorant le retard avec lequel l’initiative a été concoctée. « Il nous reste 80 jours, il ne faut pas que nous puissions jouer avec notre peuple. La CENI doit comprendre que sa machine à voter n’a aucun soubassement juridique », tonne la candidate avant de déplorer l’attitude de la Centrale électorale qui aurait préférait garder silence à se contentant d’enregistrer les préoccupations des candidats en lieu et place de ses réponses pourtant indispensables pour la suite du processus. « La CENI n’a rien dit sur nos préoccupations. Elle n’a fait que nous écouter alors qu’elle disposait toutes les informations sur nos préoccupations. Ce qui me donne le sentiment de considérer que nous n’avons fait que palabrer pour rien pour ne rien obtenir », déplore la candidate présidente de la République.

Elle estime par ailleurs qu’il n’y a plus de temps à perdre dans la prise en compte des revendications de la classe politique avant d’aller aux élections. « Nous nous sommes séparés sans suite. La CENI s’est contentée de nous promettre une autre rencontre du genre mais pourquoi faire alors que nous n’avons que 80 jours avant la tenue des scrutins », s’interroge Ifoku qui redoute même le report des élections au regard de l’évolution du processus. « La CENI ne fait que nous répéter qu’elle organisera les élections le 23 décembre et l’annonce des résultats le 25 décembre. Moi, je trouve ça anormale parce que cela ressemble à faire le lit à quelqu’un », conclut-elle.

Théodore Ngoy :

« Il faut qu’on arrive un jour à dire, on va aux élections sans la machine à voter.»

Candidat-président lui aussi, cet avocat de renommée estime que les exigences des candidats et les formations politiques sur l’abandon de la machine à voter revêt d’un caractère légal parce que pour lui, c’est « l’Etat de droit qui doit s’installer ».

Le candidat rappelle que la CENI, conformément à la Constitution, doit assurer la régularité des scrutins. « La CENI prend des décisions conformément à la Loi électorale et la Constitution. Concernant le vote électronique, les dispositions de l’article 237 interdisent le vote électronique », fait remarquer le juriste avant d’ajouter que toutes les opérations liées au processus électoral telles que l’enregistrement des électeurs et des candidats sauf, celle liée au vote qui doit être à bulletin papier. « Nous ne revendiquons pas mais nous appelons Monsieur Nangaa à respecter la loi. La machine à voter au-delà qu’elle est illégale, il y a des aspects techniques qui ont été révélés par des candidats comme Yves Mpunga et Shekomba liés aux disfonctionnements qui risquent de donner lieu à la fraude. Il faut qu’on arrive un jour à dire, on va à l’élection présidentielle mais sans la machine à voter et même-si on l’écarte, on serait dans le délai parce que la CENI dispose encore de plus de 63 jours pour faire l’impression des bulletins de vote », tranche l’homme de l’église.

Au sujet du financement des élections, autre sujet au centre des préoccupations des candidats, Théodore Ngoy croit avoir entendu de la CENI que l’institution n’avait pas de compte à rendre aux candidats mais plutôt à l’Assemblée nationale dont elle est l’émanation. Le candidat à la magistrature suprême rappelle par ailleurs que la CENI a l’obligation d’organiser les élections en décembre prochain mais sans la machine à voter qui est considérée par lui comme étant, un dispositif instaurant le vote électronique proscrit par la loi.

Seth Kikuni :

« Malgré les divergences, nous allons travailler pour
qu’il ait élections le 23 décembre 2018.»

Le plus jeune candidat-président de la République, Seth Kikuni n’a pas, lui aussi, trouvé des réponses à ses préoccupations liées à l’évolution du processus électoral en RDC. Parmi les sujets qui intéressent le candidat, les « avantages » accordés au candidat du Front Commun pour le Congo (FCC), Emmanuel Ramazani Shadary. « Tous les candidats se sont plaints du traitement positif que reçoit le candidat du FCC. Il a pris note (le président de la CENI, NDLR) et il a promis de faire un plaidoyer pour que la loi soit respectée par rapport à tous les candidats. C’est vrai qu’il ne va retirer ces avantages-là au candidat du FCC mais il va s’assuer à ce que tous les candidats puissent avoir les mêmes avantages vu que la loi l’exige », espère Seth Kikuni.
Le candidat président de la République se dit par ailleurs optimiste quant à la suite du processus. « Tous les candidats, à part celui du FCC, sont contre la machine à voter. Tout le monde est d’accord pour les élections en décembre 2018. Nous allons y travailler à condition que la CENI puisse prendre en compte nos préoccupations », espère Kikuni.

Patrick Ilunga et José-Junior Owawa

 

 

 

 

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