Quel sens finalement accorder à la date du 17 mai initialement évoquée comme date de la libération par l’entrée de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL) à Kinshasa, date coïncidant ainsi à la fin du long régime du maréchal Mobutu ? Les années passent et le sens même de cet évènement se construit et par les esprits politiquement avisés vient ainsi se projeter dans la conscience populaire. Au-delà des grandes interprétations dues à des divergences idéologiques et à l’éloignement par le temps, il y a, selon le sénateur She Okitundu, l’un des acteurs de cette épopée, un sens profond qu’il faille ressortir et enseigner aux générations montantes au sujet du 17 mai.

Dans un entretien accordé à Géopolis Hebdo, le sénateur Léonard She Okitundu, a fait une lecture puissante se basant sur le sens même de cette commémoration qui est en fait, pour lui, rien que le rapatriement et la restauration de la République. En partant de 1960, il estime que deux mois après le 30 juin, la République a été freiné par le coup de force de Mobutu et plus tard, assassinée dans sa symbolique par la mort de Patrice-Emery Lumumba. Contrainte à se déployer dans un environnement hostile, elle a été contrainte à l’exil et le coup d’Etat de 1965 qui a mis le pays sous une coupe de taille, a consolidé à la fois cet exil et renforcé la dictature.

Pendant toutes ces années de lutte et le contexte de la guerre froide, il a été difficile aux opposants qui avaient choisi la lutte armée de trouver des bases arrières car, entretemps mis au courant du plan de recrutement dans les pays voisins, le régime de Kinshasa avait, par jeu de menace, réalisé le block out dans tous les pays voisins. Comment faire car, même l’opposition intérieure ayant affaiblie la dictature n’étant pas moins instrumentalisée par celle-ci dans ses recoins les plus abjectes. Il a fallu un concours de circonstances exceptionnelles avec le changement de régime au Rwanda précédé par un génocide pour qu’une brèche soit ouverte dans l’armature mobutiste. Car, la chute de Kigali et le soutien de Mobutu à Juvénal Habyarimana venait de créer une convergence objective. Ayant un même ennemi, les forces en présence ont coalisé pour entrer au Congo et mettre fin à la dictature. Voilà le sens de cette date qui constitue le rapatriement de cette République au sens de la nation congolaise et qui est, on peut dire plus essentielle pour tous les démocrates.

Pour restaurer cette République, il a fallu d’abord conserver le pouvoir d’action et de décision. C’est pourquoi, il a fallu pour cela suspendre les libertés pour protéger la liberté. Grace au rapatriement de la République, l’occasion de construire une démocratie fut ainsi offerte et le pays engagé dans sa marche vers la liberté et le progrès, marche freinée par le coup d’Etat de 1960. Le pays, grâce aux élections, a réussi à rétablir la démocratie et la République est en marche. Il reste aux nationalistes de rester vigilants et de se coaliser pour conserver le pouvoir en vue de poursuivre l’œuvre immense de restauration démocratique. La révolution qui a abouti à la libération est donc l’acte par lequel les nationalistes en exil ont pu récupérer l’initiative démocratique et donner au pouvoir du peuple un sens concret. C’est pourquoi sitôt les rênes de l’Etat entre leurs mains, ils n’ont eu de cesse que de réaliser la réconciliation nationale et d’organiser les élections générales en vue de régler définitivement ces crises de légitimité. « Aujourd’hui, avec la première alternance intervenue au pays, c’est la consolidation et l’ancrage de la République dans ses valeurs fondamentales », a renchérit She Okitundu.

Ces différents cycles électoraux donnent un contenu à la République qui se nourrit de l’alternance comme vivier de sa maturation. C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, le peuple doit considérer le fait du départ certes extraordinaire, c’est-à-dire le fait révolutionnaire comme une étape vers la normalisation de la conquête et de la conservation du pouvoir. Grâce aux élections pacifiques, la question du pouvoir et celle de l’alternance passent dans le fait ordinaire de toute démocratie. Si l’évocation des questions de passation entrainait dans son sillage une idée catastrophique, par contre grâce à l’acquis démocratique, on devrait s’attendre à des passations pacifiques et habituer le peuple à plus de normalité. Dans cette perspective et partant de l’expérience de cette première alternance, She Okitundu estime que l’on devrait préserver cet état des choses et qu’en 2023, à l’occasion des prochaines élections, qu’il soit normal que l’on puisse assister, soit au départ, soit au retour au pouvoir dans la paix et dans la tranquillité générale car, le processus aurait atteint sa maturation grâce à l’ancrage du 17 mai.

Adam Mwena Meji

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