Enfin, Moïse Katumbi Chapwe brise le silence. Le Coordonnateur de la plateforme d’opposition Lamuka (Ndlr: Réveillez-vous les congolais) a annoncé, au cours d’une interview accordée récemment à RFI, qu’après avoir passé trois ans d’exil à l’étranger (Du 20 mai 2016 au 20 mai 2019), son retour par avion dans la capitale cuprifère le 20 mai prochain. Profitant de l’occasion ainsi offerte, le chairman du TP Mazembe s’est exprimé au sujet de 100 premiers jours du mandat du Président Félix Tshisekedi. “Il y a des choses positives que Félix Tshisekedi est en train de faire”, reconnait Moïse Katumbi. L’entretien.
EXTRAIT DE L’INTERVIEW DE MOÏSE KATUMBI CHAPWE ACCORDÉE À RFI
Monsieur Katumbi, la justice congolaise vient de rendre deux décisions qui vous sont favorables dans l’affaire de la spoliation immobilière, dans celle des mercenaires. Est-ce que vous pensez que vous êtes désormais totalement innocenté ?
Heureusement aujourd’hui, la justice peut dire le droit parce qu’il n’y a plus d’interférence de la politique dans notre justice. Je ne suis pas le seul. Je savais que j’étais innocent et que mes procès étaient des mascarades comme l’avez dit la Cenco (Depuis cent jours, il y a eu plusieurs contacts entre votre entourage et celui de Félix Tshisekedi, notamment à Genève et dans d’autres villes européennes.
Est-ce qu’on peut dire que ces deux décisions de justice sont le résultat d’un accord entre l’entourage de Félix Tshisekedi et le vôtre ?
Il n’y a pas eu de contact avec le camp de Félix Tshisekedi. Je vous dis très bien que la justice aujourd’hui peut dire le droit dans notre pays. Le grand problème qu’on avait à l’époque, c’était l’ingérence de la politique. Ils ont tout fait pour me bloquer pour ne pas rentrer au pays et pour ne pas être candidat (à la présidentielle du 30 décembre 2018). Ils l’ont fait aussi pour Jean-Pierre Bemba.
Donc, l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi a peut-être facilité les choses du point de vue de la justice congolaise ?
Il y a des choses positives que Félix Tshisekedi est en train de faire. Par exemple, la liberté d’expression dans notre pays, la libération de prisonniers politiques et aussi supprimer les cachots au sein du service de renseignements [Agence nationale de renseignements (ANR)]. Il y a des gens qui sont restés dans ces cachots pendant dix ans, huit ans, sans être jugés. Donc, il y a de bonnes choses de ce côté-là.
Et c’est peut-être aussi pour cela qu’aujourd’hui, les décisions de justice vous sont favorables ?
Pas du tout. Il n’y a pas eu ingérence de ce côté-là. J’étais déjà en justice et j’avais fait appel en justice. Et le problème du procès par exemple de monsieur Stoupis, c’était avec la plainte de madame Chantal Ramazani [magistrate congolaise qui a déclaré avoir condamné Moïse Katumbi à la suite de pressions politiques].
On vous a également il y a quelques semaines rendu votre passeport congolais. Il semble que les obstacles judiciaires n’en sont plus. Est-ce que cela veut dire que trois ans après votre départ de la RDC, vous allez rentrer au pays ? Et si oui, quand ?
D’abord, je venais d’avoir mon passeport il n’y a pas longtemps. Priver quelqu’un de sa nationalité, de son passeport, c’est un crime parce que monsieur Joseph Kabila ne voulait pas que je puisse rentrer au pays. Et je ne suis pas le seul à avoir retrouvé son passeport. Donc, j’ai quitté le pays, c’est vrai il y a trois ans, c’était le 20 mai. C’est pourquoi en ce moment même, j’ai beaucoup réfléchi : si je suis venu ici aujourd’hui pour cette interview, c’est pour mon retour au pays. Je voudrais rentrer au pays. Et je vais vous donner la date : je rentre le 20 mai à Lubumbashi pour rester avec les miens, pour consoler les familles qui ont été maltraitées. Et moi j’étais à l’étranger, mais eux ils ont vécu l’enfer. Et c’est pour cela que je demanderai à tous les juristes congolais qui vivent dans la diaspora, les ONG des droits de l’homme et les églises, il faudrait qu’on puisse réécrire l’histoire de notre pays. Il y a eu beaucoup de morts, il faudrait qu’on ouvre un bureau pour recenser tous ces morts-là et les familles qui n’ont pas fait le deuil. Donc, je vais pour consoler d’abord ma population.
Donc c’est ferme et définitif : le 20 mai, trois ans jour pour jour après votre départ, vous serez à Lubumbashi dans votre pays…
C’est définitif, le 20 mai je suis à Lubumbashi. Et je vais faire le tour du Congo. Je vais faire le safari. Je voudrais aller remercier la population congolaise qui m’a soutenu pendant le malheur ‘’provoqué par monsieur Kabila’’ (…).
Mais vous avez des garanties pour votre sécurité à partir du 20 mai ?
La sécurité, d’abord c’est la population congolaise. Je rentre chez nous, je ne rentre pas avec des militaires, je rendre pour aider mon peuple à sortir de la misère (…).
Est-ce que vous pouvez quand même clarifier quelque chose : est-ce que pour vous Martin Fayulu est le véritable vainqueur de ces élections ? Vous en prenez acte ou bien, au contraire, vous estimez qu’il faut s’opposer à cette élection ?
On doit aller de l’avant. Le plus important pour nous, c’est aller de l’avant. Nous serons dans l’opposition pour défendre la population congolaise. La reconstruction de notre pays, c’est le plus important.
Justement, comme votre mouvement Ensemble pour le changement dispose du plus grand nombre de députés d’opposition au sein de l’Assemblée nationale, on imagine que vous allez prendre le leadership de l’opposition. Mais certains se demandent si, en fait, vous n’envisagez pas un changement d’alliance afin de vous rapprocher du parti de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de Félix Tshisekedi ?
Être opposant, c’est vraiment un grand métier pour permettre à la population congolaise de vivre la vraie démocratie et le développement. Moïse Katumbi va rester dans l’opposition, mais une opposition républicaine. Cette opposition, on va condamner là où il faudrait condamner. On va féliciter là où il faudrait féliciter. On va donner des conseils et des solutions aussi.
Mais il y a quand même une clarification. Martin Fayulu appelle à « la démission de Félix Tshisekedi ». On aimerait savoir si vous êtes d’accord avec cet appel ou si vous dites « non » ?
Le plus important aujourd’hui, c’est quoi ?
C’est la cohésion nationale du Congo, l’unité de notre pays (…).
Est-ce que vous pouvez être clair : est-ce que vous êtes contre Martin Fayulu appelant à la démission de Félix Tshisekedi, oui ou non ?
Ce que je suis en train de vous dire, je l’ai dit au début : la Cour constitutionnelle a proclamé monsieur Félix Tshisekedi président de la République. Pour moi, je suis un homme pragmatique, je ne voudrais pas entrer dans des débats qui pourront un jour ramener le mal dans notre pays. Donc, le plus important pour nous, c’est l’avenir du peuple congolais.
Serez-vous candidat lors de la prochaine présidentielle ?
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas parler de la candidature, parce que nous avons encore cinq ans. Mais le boulot que j’aurai, en tant que Coordonnateur de Lamuka, c’est que je vais sillonner toutes les provinces, je vais aussi transformer Ensemble pour le changement en un grand parti politique. Donc, il y a beaucoup de choses à faire. Faisons ce qui est le mieux pour la population congolaise. Cinq ans, c’est encore loin.
Propos collectées par Dieudonné Buanali

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com